MOIRA TIERNEY

“MONDAY IN B-FLAT”

June 22 - July 23, 2022

 

“ Monday in B-Flat ” - Moira Tierney

Photos, films and drawings

Londres, Palais de Justice de l’Old Bailey – 14 mars 1991

Après 17 ans passés en prison pour un crime qu’ils n’ont pas commis, Hugh Callaghan, Patrick Joseph Hill, Gerard Hunter, Richard Mcllkenny, William Power et John Walker sont blanchis en appel par la Cour de la Couronne britannique.

Ils avaient été condamnés à perpétuité en 1975 pour l’attentat des pubs de Birmingham perpétré un an plus tôt par l’IRA, particulièrement active entre 1969 et 1997 contre la colonisation britannique de l’Irlande du nord.
L’explosion des bombes causa 21 morts et plus de 200 blessés.
En plein contexte des Troubles, les autorités du Royaume-Uni ont besoin de punir des coupables rapidement et publiquement. Six hommes sont interpellés et ce pour cause d’être irlandais et d’avoir quittés Birmingham en direction de Belfast quelques heures après l’attentat. Ils sont arrêtés au nom de la loi de prévention anti-terroriste, permettant aux forces policières de les placer en garde à vue pendant sept jours, sans chef d’inculpation.
« Les Six de Birmingham » sont privés de nourriture et de sommeil, roués de coups par les policiers qui lâchent les chien.nes à moins d’un mètre d’eux, menacent leurs familles et simulent leurs exécutions. Ils signent des aveux et se rétractent dès la fin du supplice mais des preuves médico-légales ont déjà été falsifiées et ajoutées au dossier. L’enquête est bouclée.
Comme pour d’autres affaires irlandaises – les Quatre de Guildford, les Sept de Maguire, les Trois de Winchester, Judith Ward ... – leurs incarcérations seront qualifiées « d’erreur judiciaire » par la Cour d’Appel.

Dublin, Irlande – 9 décembre 1989 : The Parade of Innocence.

10 000 personnes dont 400 artistes professionnel.le.s et travailleur.euses du théâtre, manifestent pour rendre justice aux prisonnier.ères irlandais.es incarcéré.e.s à tort sur le territoire britannique. Moira Tierney, alors étudiante en stage dans un studio de graphisme est en charge de la conception d’une partie des costumes et de la scénographie. Elle rencontre alors plusieurs membres des communautés artistiques et militantes de Dublin, dont la cinéaste Pat Murphy autrice du scénario du défilé.
Une Bauta, roi des masques de Venise descend la rue principale de Dublin, elle passe devant une cage monumentale dans laquelle des acteurs et figurants jouent le rôle de prisonniers politiques. Sur la cage décorée comme celles des cirques est marqué : « Innocent Until Proved Irish ». Dans la foule, on brandit des pancartes qui affichent les visages agrandis des innocent.e.s incarcéré.e.s. Un performer est habillé en Juge, monté sur des échasses, gigantesque au sommet d’un amas de poubelles. Des manifestant.e.s paradent déguisés en policiers de la Couronne, les yeux et la bouche outrageusement maquillé.e.s en noir, la peau blanchie. Pierrots casqués et matraques à la main, leurs boucliers sont couverts de gros titres :
« The evil of brotherhood of blood », « Bombs gang get justice ».
Héritage des fêtes populaires du Carnaval, The Parrade est une contestation collective, ludique et fédératrice. C’est par la force de subversion du théâtre de rue alliée à l’exercice du droit de manifester que sont détournées les représentations stigmatisantes et criminalisantes des irlandais.e.s diffusées par les informations du Royaume-Uni.
Un autre défilé est organisé en 1990 dans le même but d’investir l’espace public et médiatique jusqu’à atteindre la révision et l’exposition des jugements corrompus du Lord Chief Justice.

Moira Tierney travaillera ensuite à l’Anthology Film Archives aux côtés de Jonas Mekas et c’est parmi le répertoire de l’Essential Cinema qu’elle affine sa pratique d’artiste cinéaste. L’usage de la pellicule super8 et 16 mm, les durées non normatives, la désynchronisation et la linéarité perturbée des récits qui composent ses films l’inscrivent dans la lignée de l’underground newyorkais des années 60-80.

À New-York, à Dublin, entre Leitrim et Fermanagh, à la Nouvelle-Orléans, à Marseille, Nouakchott, à Mexico City... elle réalise une trentaine de films. Chacun d’eux opère une reprise des mémoires conflictuelles et trouées.

D’une polarité à l’autre, parmi les communautés qu’elle fréquente, ses réalisations sont de celles des poètes nomades et insurgé.e.s.

« Following my lust for wander / everywhere I've ever been / I can't escape the sound of it - the sound of my screaming skin. » Blondie - Skin Screaming – No Exit 1999 in American Dream 1 Moira Tierney 2001

Les montages dans lesquels interfèrent images et sons documentaires, musique, paroles et récits travaillent une syntaxe alternative, un rapport entre les différents groupes vulnérabilisés et résistants.

Paris, France – 2020 - 2021

Le durcissement des injonctions gouvernementales va avec l’impossibilité de nier la multiplication des mobilisations et la mutation du public manifestant. Fin d’un apparent monopole des revendications soixanthuitardes et des cortèges CGT : encadrés par les forces de l’ordre, on voit maintenant à Paris la rue soulever toutes générations mêlées, plus de causes, plus de sexes, plus de banlieusard.e.s, plus de provinciaux.ales, plus de racisé.e.s, plus de complexité.

Moira Tierney résidente à La Cité en fait partie. Dans ses photographies elle est de celles.eux qui militent contre la loi sécurité globale, en soutien au comité Justice pour Adama, contre l’oubli du massacre des algérien.ne.s par la police française le 17 octobre 1961, pour le peuple palestinien, contre les violences policières. Des mains levées affichent : « 17 octobre 1961 Un Crime sans mémoire » « Police floutée Justice aveugle » « On est là » « J’étouffe » « La police tue » « Free Palestine » « M’hamed emchachi »

« Said Haj Ali » « Adama Liu Angelo Jerome Luis Selom Matisse Gaye Henry Aboubacar Zineb Allan Steve Ibrahima »

Comme un appel à la transparence ou un refus des processus d’invisibilisation, Moira Tierney expose les pages de ses carnets de croquis sur des plaques de verres trouvées dans la rue.
Les passant.e.s, les anonymes, les ami.e.s. dans le subway à la fin des années 90, au Marsbar en face de l’Anthology, à Brooklyn (avant la gentrification), dans le bus de Chinatown NYC à Chinatown Philly, un concert dans un sous sol avec August Varkalis on saxo et Dallus Naujokaitis on drums, le croisement 2nd avenue et ? sont autant de crissements au contact du Palais de Justice de Renzo Piano où Assa Traoré défend sa proclamation : « J’accuse les gendarmes Romain Fontaine, Arnaud Gonzales et Mathias Uhrin, d’avoir tué mon frère Adama Traoré en l’écrasant du poids de leurs corps. »

L’exposition « Monday In B-Flat » témoigne de la fidélité du travail de Moira Tierney à l’expérience intime, politique et esthétique que représente collectivement The Parade Of Innocence. Un événement où les communautés de militant.e.s s’unissent à celles des artistes pour que la protestation fasse date jusqu’à influencer les plaidoyers.

I can pray

all day

& God

wont come.

But if I call

911

The Devil

Be here

in a minute!

- Monday In B-Flat

Amiri Baraka

Photos : Margot Lançon

EVENEMENTS DANS LE CADRE DE L’EXPOSITION :

30 JUIN 2022 PERFORMANCES @ THE FILM GALLERY

UCCELLOVE (like a dove)
https://soundcloud.com/uccellove

LES LOYAUTES (3la Slamtek)
Lecture du texte de Marwane Lakhal par Amine Boudelaa
https://www.jeunestextesenliberte.fr/les-textes-laureats/...

ALTERSGRUPPE
City Dragon / Dudi / Willie &co
https://thefilmgallery.bandcamp.com/.../tfg-printemps...

19 JUILLET 2022 PROJECTIONS @ CINEMA L’ARCHIPEL (75010)

CARTE BLANCHE A MOIRA TIERNEY

MOIRA TIERNEY

MATILDA TONE - 16mm / 25’ / 2005

Amour et révolution dans un cimetière de Brooklyn ... c’était comment pour vous, Mme Tone ? ... Une collision entre les corps politique des 18e siècle et 21e siècle. Martha Witherington est née à Dublin en 1775. A l’âge de 16 ans elle s’enfuie avec le futur révolutionnaire Theobald Wolfe-Tone, c’est lui qui la rebaptise Matilda. A 23 ans, elle le perd dans une prison britannique.  Elle passe les 20 années suivantes à se débrouiller seule avec leur fils dans le Paris post-Révolution et finit ses jours à la tête d’une famille de trois générations à Washington DC, survivant à deux de ses maris et trois de ses enfants. A en juger par sa correspondance, elle était une révolutionnaire pragmatique. La restauration de sa pierre tombale en 1998 a provoqué une fouille archéologique de son histoire, enterrée depuis bien longtemps. Pour façonner le portrait de Mme Tone jusqu’alors invisible, le film puise dans des récits écrits par Matilda elle-même et par d’autres de ses contemporains, combinés à une bande son de chants politiques des années 1700. Le film se termine par l’inauguratioN officielle de sa tombe par Mary Robinson, alors présidente de l’Irlande, suivie d’une veillée animée organisée en son honneur au Mona’s Bar, dans le Lower East Side de New York.

MOIRA TIERNEY / MASHA GODOVANNAYA

YOU CAN’T KEEP A GOOD SNAKE DOWN - 16mm / 4’ / 2000

Pendant longtemps, Saint Patrick a été présenté comme le rédempteur de l’Irlande païenne : l’homme qui a débarrassé le pays de sa population de serpents. Nous avons pensé qu’il était temps que les serpents reçoivent leur dû - YOU CAN’T KEEP A GOOD SNAKE DOWN corrige ce déséquilibre historique. Le casting All-Star comprend Maria Montez, Jackie Chan et un assortiment d’éminents politiciens irlandais et britanniques. Les scènes de harem et de combat sont rythmées par la musique d’une tarentelle médiévale, ou danse de l’araignée. Tout est dans l’œil du caméléon...

VIVIENNE DICK

VISIBILITY: MODERATE - Super8mm / 38’ / 1981

Après son séjour dans le New York du Lower East Side des années 1970, pendant lequel elle devient cinéaste, Visibility: Moderate ramène Vivienne Dick dans son Irlande natale.  Utilisant des pellicules Super 8 pour parodier les films de type «travelogue»ou «home-movie», Dick pose un regard de touriste expatriée sur son propre pays. Le récit suit Margaret Ann Irinsky dans le rôled’une américaine en vacances. Elle part d’un Dublin peuplé de Hare Krishnas et de musique rock, pour arriver aux calèches tirées par des chevaux dans l’ouest de l’Irlande et embrasser la pierre de Blarney. La perception pittoresque de l’Irlande et l’américanisation de la culture du pays sont contrastées par des interviews de prisonniers politiques et des images de manifestations.Comme dans la série de ses films newyorkais, Dick créer des interférences entre les prises de vue et de son documentaires et des mise en scène performées, une manière qui défini le style de Dick, le rôle actif de sa caméra et son refus du voyeurisme.

© Vivienne Dick, Visibility : Moderate, 1981

moiratierney.net